Ces tragédies qui touchent tous les milieux socioprofessionnels ont causé en quelques semaines la mort de onze adultes, cinq enfants et un nouveau-né. » INTERVIEW - «Avec les vacances, il y a une montée en puissance des situations conflictuelles» Cocon bien abrité ou théâtre de violences inouïes : depuis toujours, la famille est une entité à deux visages. Depuis début juin, au moins treize drames familiaux portés à la connaissance du public sont venus émailler l'actualité, causant la mort de onze adultes, de cinq enfants et d'un nouveau-né. Hier, ce dernier aurait été tué par sa mère qui a avoué avoir brûlé le petit corps de cet enfant qu'elle affirme mort-né. Très récemment aussi, une fillette a été étouffée par son père ne supportant pas l'éclatement de son couple. Elle avait tout juste 23 mois.
La plupart du temps liés à une séparation passée, en cours ou à venir , ces coups de sang trouvent aussi parfois leur origine dans les problèmes d'argent ou la jalousie. À de rares exceptions près, enfin, ils conduisent au suicide de l'auteur des faits. Le 25 juillet, dans le Doubs, un ouvrier de 42 ans a ainsi abattu sa femme sous les yeux de ses trois enfants, au rez-de-chaussée du pavillon qu'ils venaient de faire construire. Une fois à l'étage, il a retourné l'arme contre lui. Neuf jours plus tôt, un autre père de famille séparé depuis deux ans s'était rendu au domicile de son ex-concubine pour y pendre ses deux filles, avant de mettre fin à ses jours de la même manière.
Plus récemment, encore, l'enquête sur le drame de Francheville (Rhône) a permis de révéler que trois des quatre victimes retrouvées mortes dans l'incendie de leur maison avaient été tuées peu avant par leur mari et père, lequel devait lui aussi succomber dans le sinistre.
Autant de tragédies qui «correspondent au démantèlement de la cellule familiale et à l'esprit “zappette” du couple, qui veut que l'on jette tout, au bout d'un an ou deux», analyse ainsi Jean-François Varaldi, vice-procureur de la République de Lyon.
«Mises en scène ahurissantes»À ce jour, pourtant, aucune étude chiffrée ne recense ce type d'actes. De fait, au vu des statistiques du ministère de l'Intérieur, les drames familiaux se fondent sans distinguo dans la catégorie des homicides. Sur le terrain, les policiers eux-mêmes avouent ne pas avoir la moindre «vision d'ensemble» du phénomène, pourtant «vieux comme le monde». «On remarque néanmoins que ces affaires touchent tous les milieux socioprofessionnels, à la ville comme à la campagne, confie un officier. Par ailleurs, les meurtres en eux-mêmes donnent lieu à des mises en scène parfois totalement ahurissantes.»
Fragiles mentalement, tous victimes d'une perte d'estime de soi, les hommes et les femmes n'adoptent pourtant pas le même comportement lorsqu'ils pensent être arrivés sur une voie sans issue. «Les hommes emploient les moyens les plus violents (arme blanche, fusil de chasse, etc.) et incendient les lieux comme pour dire “j'élimine tout, après moi il ne doit plus rien rester”, détaille un magistrat. Les femmes dérapent dans leur tête, agissent sous l'effet de bouffées délirantes purement instinctives.»
La médiatisation de certains dossiers, quant à elle, ouvre immanquablement une brèche dans «la levée des tabous autour des crimes commis», juge Laurence Libeau-Mousset (1), directrice de recherches à l'Institut de crimi­nologie. La «singularité des faits», elle, se charge de marquer les esprits. Mais, de l'aveu d'un magistrat, la famille est aussi «un cadre de drames judiciaires privilégiés».
«Dans le domaine des violences aux personnes comme dans celui des atteintes en termes de mœurs, les liens passionnels très forts qui se nouent au sein de cette cellule peuvent en version négative donner lieu à de véritables désastres», constate Michel Vallet, procureur de la République de Toulouse. Le décès du meurtrier fait en effet perdre tout espoir de procès aux proches, qu'ils soient frères, sœurs, grands-parents, voire amants des victimes.
Pour autant, l'extinction de l'action publique après la disparition de l'auteur ne suspend pas les devoirs d'enquête. Dans le cas du quintuple meurtre de La Magdelaine-sur-Tarn (Haute-Garonne), survenu le 10 juillet, les gendarmes s'escriment encore à «reconstituer aussi précisément que possible ce qui a conduit au drame et à déterminer le comportement et l'emploi du temps de l'auteur» avant sa mort. Dans ce seul département, les drames familiaux ont entraîné la mort de 29 personnes en vingt ans.
« Nous avons, envers les survivants meurtris qui ne comprennent pas, un devoir de vérité, d'explication et d'accompagnement, souligne Michel Vallet. Même s'il restera toujours, pour eux comme pour nous, une part d'irrationnel.»
(1) Auteur de «La Préventionde la maltraitance des enfants», éd. L'Harmattan.
Le figaro
Que pensez vous de ces drames... on en entend de plus en plus aux infos! Y en avait-il autant avant et on n'en parlait pas? Ou les comportements ont changés???